Le vent l’emportera
Sorti en 2019, le premier roman de Victor Jestin s’était accompagné d’un bel accueil critique qui avait consacré la naissance d’un écrivain.
« Tant que je ne voyais pas le trou, le trou n’existait pas »
« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans », et qu’on vit un peu reclus dans son intériorité, flippé, stressé face aux filles, mal à l’aise devant les parents qui se renseignent sur les amours de leur aîné.. On sent à la sincérité du ton que Victor Jestin a laissé infuser beaucoup de vécu dans cette chronique adolescente un peu glauque mais touchante dans ce qu’elle dit de la gaucherie de cet âge plein d’espoirs souvent déçus et d’amourettes sans lendemain. Le narrateur dit également très bien la coloration criarde des loisirs de camping, leurs divertissements outranciers (tel ce lapin avec qui Léonard finit par en venir aux mains), leur joie un peu vulgaire, leur bonheur pas cher. Malgré le crime, l’endroit continue à s’épanouir sous le soleil, comme si de rien n’était, dans une course aux plaisirs intolérable pour celui qui se sait coupable.
En plus d’avoir un (quasi) crime sur les bras, le narrateur doit socialiser avec ses semblables, dont la plupart ne vibre que pour une seule chose : les rapprochements avec le sexe opposé. Même une « baise triste » suffira à sauver les vacances, chacun s’ingénie donc à « serrer » (et plus si affinités) autant que faire se peut. C’est le temps des « brèves amours éternelles » dont parle Andreï Makine, qui ne pourra que résonner aux oreilles du lecteur qui se souvient de ses émois et ses larmes d’adolescence.
Les amitiés se faisaient, se défaisaient au détour des allées. Les cœurs s’enflammaient et se brisaient dans une même journée.
J’ai été surprise par le temps que met la mère d’Oscar à s’inquiéter de l’absence de son fils, et puis j’ai compris que (malgré les apparences de durée) le récit s’étale sur seulement 24h. Unité de temps, de lieu et d’action : nous sommes donc bien dans la tragédie, une tragédie contemporaine.
Difficile de ne pas porter un regard moral sur l’attitude de Léonard qui se rattrape in extremis à la tout fin, mais en exagérant puisqu’il s’accuse du crime. Toujours en décalage, ce garçon, décidément.
Un premier roman intéressant et singulier, qui pose des questions profondes sous son apparence de sobriété : une voix à suivre.