Les racines du mal
Parce que ce livre avait reçu un prix « goodreads » pour une œuvre de « non-fiction » et semblait bénéficier d’un beau succès critique, j’ai eu envie de lui faire un sort.
« American Predator » revient sur le portrait et le parcours criminel d’un serial-killer qui n’aura répondu à aucune nomenclature connue de ce genre : Israel Keyes, qui se fait attraper quasiment par hasard (ouf) lors de la disparition de Samantha Koenig, une jeune femme qui bossait dans une petite cahute en bord de route, en plein hiver. Les enquêteurs ne sont pas au bout de leurs (macabres) surprises puisque Keyes va prendre un malin plaisir à leur raconter tout le modus operandi qui fut le sien pour tuer la jeune femme (et tant d’autres).
Il adore voir se dérouler l’enquête dans les médias, alors qu’il est le seul à avoir conscience du fossé qui sépare les suppositions de la police de la vérité. Il se sent tout-puissant..
Le lecteur assiste au huis-clos des interrogatoires et on imagine le boulot que Maureen Callahan a dû abattre pour écrire son texte. Nous rencontrons, médusés, un tueur qui ne connaît pas le remords, distingue le bien du mal mais ne voit pas où est le problème à trucider, ricane des visages secoués des enquêteurs, sème de fausses pistes : les mène par le bout du nez. La seule condition qu’il fixe à ses confessions (nombreuses) : connaître la date de son exécution (ce qui n’est pas une mince affaire).
Tous doivent donner à Keyes l’impression que c’est lui qui détient le pouvoir.
Israel Keyes est un tueur de sang-froid total, qui ne comprend pas le mal qu’il fait, qui se dit simplement « en chasse » et « à l’affût » perpétuels. Les trésors de préparation et de détails qu’il met en place avant chaque meurtre sont hallucinants. Par exemple, il jette un corps dûment découpé au beau milieu d’un lac de glace dans lequel il aura fait un trou avec l’outil adéquat… Puis part à une réunion parents-profs. Et pêche un peu.
Si ce démon fait l’objet d’un livre entier, c’est qu’il est un type inédit de tueur en série dans son fonctionnement. Du jamais vu chez les enquêteurs qui confieront que cette affaire est de celles « comme on en voit qu’une fois dans sa vie ». On s’interroge alors sur les raisons d’un tel destin, ce qui pourrait expliquer une telle perversion dans le mal, un tel « génie » malveillant, qui « chassait tout ce qui respirait ». Ce qui est terrible et glaçant aussi, c’est l’itinéraire pris au cours des années par le tueur qui « visite » chaque État des USA ainsi que le Canada… Un véritable road trip sanglant, au cours duquel il semblerait effacer ses traces en tuant dans un État puis en se débarrassant du corps dans un autre. Pyromane, braqueur, nécrophile, violeur… La liste des perversions du colosse Keyes est longue comme le bras et effarante.
Compte tenu du portrait brossé par Maureen Callahan, celui qui rêvait que « le monde entier sache qu’il avait sa place au panthéon des pires monstres que la terre ait portés » aura vu ses vœux exaucés.
Sacré boulot mais un peu lourd.