American Predator (2019) – Maureen Callahan

Les racines du mal

Parce que ce livre avait reçu un prix « goodreads » pour une œuvre de « non-fiction » et semblait bénéficier d’un beau succès critique, j’ai eu envie de lui faire un sort.

C’est un gros pavé de 360 pages, que j’arrête p. 305. Je crois que j’en ai eu marre des interrogatoires interminables et des guéguerres entre FBI, police et procureurs fédéraux (car le livre est aussi extrêmement fouillé sur le système judiciaire américain- très complexe- et m’a un peu perdue de ce point de vue).

« American Predator » revient sur le portrait et le parcours criminel d’un serial-killer qui n’aura répondu à aucune nomenclature connue de ce genre : Israel Keyes, qui se fait attraper quasiment par hasard (ouf) lors de la disparition de Samantha Koenig, une jeune femme qui bossait dans une petite cahute en bord de route, en plein hiver. Les enquêteurs ne sont pas au bout de leurs (macabres) surprises puisque Keyes va prendre un malin plaisir à leur raconter tout le modus operandi qui fut le sien pour tuer la jeune femme (et tant d’autres).

Il adore voir se dérouler l’enquête dans les médias, alors qu’il est le seul à avoir conscience du fossé qui sépare les suppositions de la police de la vérité. Il se sent tout-puissant..

Le lecteur assiste au huis-clos des interrogatoires et on imagine le boulot que Maureen Callahan a dû abattre pour écrire son texte. Nous rencontrons, médusés, un tueur qui ne connaît pas le remords, distingue le bien du mal mais ne voit pas où est le problème à trucider, ricane des visages secoués des enquêteurs, sème de fausses pistes : les mène par le bout du nez. La seule condition qu’il fixe à ses confessions (nombreuses) : connaître la date de son exécution (ce qui n’est pas une mince affaire).

Keyes raconte son enfance mi-mormone, mi-amish, aux côtés d’une famille de 10 enfants coupée du monde et de laquelle il a souhaité rapidement se détacher. Passage à l’armée puis petits boulots divers, qui construisent peu à peu le tueur Israel Keyes, dont les méthodes, proches parfois de celles de tireurs d’élite et de soldats chevronnés, sidère les équipes qui l’interrogent. « Où a-t-il appris tout ça ? » est une question qui revient souvent et dont Keyes se rengorge telle une récompense. Personnage éminemment inquiétant et narcissique, Keyes jouit de mener la danse des confidences, de perdre les enquêteurs. Un rapport de force, de dominant-dominés s’installe entre eux, dont Keyes sait qu’il ne sortira ni gagnant, ni vivant.

Tous doivent donner à Keyes l’impression que c’est lui qui détient le pouvoir.

Israel Keyes est un tueur de sang-froid total, qui ne comprend pas le mal qu’il fait, qui se dit simplement « en chasse » et « à l’affût » perpétuels. Les trésors de préparation et de détails qu’il met en place avant chaque meurtre sont hallucinants. Par exemple, il jette un corps dûment découpé au beau milieu d’un lac de glace dans lequel il aura fait un trou avec l’outil adéquat… Puis part à une réunion parents-profs. Et pêche un peu.

Si ce démon fait l’objet d’un livre entier, c’est qu’il est un type inédit de tueur en série dans son fonctionnement. Du jamais vu chez les enquêteurs qui confieront que cette affaire est de celles « comme on en voit qu’une fois dans sa vie ». On s’interroge alors sur les raisons d’un tel destin, ce qui pourrait expliquer une telle perversion dans le mal, un tel « génie » malveillant, qui « chassait tout ce qui respirait ». Ce qui est terrible et glaçant aussi, c’est l’itinéraire pris au cours des années par le tueur qui « visite » chaque État des USA ainsi que le Canada… Un véritable road trip sanglant, au cours duquel il semblerait effacer ses traces en tuant dans un État puis en se débarrassant du corps dans un autre. Pyromane, braqueur, nécrophile, violeur… La liste des perversions du colosse Keyes est longue comme le bras et effarante.

Néanmoins, j’ai ressenti une certaine lassitude à force, entre les confessions interminables de Keyes, les enquêteurs qui essaient de recouper tout ça avec des personnes disparues un peu partout.. Un travail de titan, mais un peu fastidieux à lire pour le lecteur.

Compte tenu du portrait brossé par Maureen Callahan, celui qui rêvait que « le monde entier sache qu’il avait sa place au panthéon des pires monstres que la terre ait portés » aura vu ses vœux exaucés.

Sacré boulot mais un peu lourd.

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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