Un privé sur la Côte
Quelle bonne surprise !
Moi qui m’attendais à un polar classique type roman de gare, comme je me trompais… Bernard Deloupy fait dans le polar littéraire, mâtiné de pittoresque et saupoudré d’espionnage. Plus d’une fois, j’ai été saisie par la beauté de certaines de ses tournures, par son humour et par son art consommé de la narration.
L’auteur niçois (qui a à cœur, à travers ses romans, de rendre grâce à sa région et à ses nombreuses beautés) campe un détective privé récurrent (Garri Gasiglia), beau ténébreux viril qui n’a pas la langue dans sa poche, aux prises avec des affaires locales à la résonance (inter) nationale.. Dans ces polars, la ville est un personnage à part entière, savamment mis en lumière au fil de l’avancée de l’enquête.
Dans cet opus, Bernard Deloupy imagine un obscur groupe régionaliste qui souhaite faire respecter un parchemin de François 1er, exemptant le comté niçois de tout impôt. Le projet aiguise les appétits du crime organisé et autres bandes mafieuses de l’est et de l’Europe qui voient déjà la Riviera en nouvel eldorado fiscal… Le privé niçois est donc chargé de mettre la main sur ce document (et ces mafieux) avant que les choses ne tournent au vinaigre.
Bernard Deloupy installe de nombreux personnages autour de son détective, individus hauts en couleur que l’on retrouve dans chaque enquête : le commandant Van Campenhout (un ch’ti qui contraste avec le niçois), la chercheuse Salomé (amante intermittente de Garri le Don Juan)…
Les dialogues fusent, les rebondissements s’enchaînent à un rythme endiablé, de courses-poursuites en hélicoptère en fusillades et autres plongées de précision sous le monument aux morts de Nice… L’action est menée tambour battant et sans relâche.
Non content de servir un polar très efficace au scénario maîtrisé (bien qu’invraisemblable par moments : le détective qui prend ses quartiers au palace de la Chèvre d’or…) Bernard Deloupy possède un charme qui le singularise dans le monde du roman « de genre », c’est son style. Un mélange de gouaille nissarde à la Audiard et d’hédonisme décomplexé (les passages de ripaille bien arrosée ne manquent pas) qui font tout le sel de cette prose authentique, vivante et attachante qui séduira tout lecteur amateur de franc parler et de bonne chère. Lecteur qui appréciera aussi de retrouver dans le texte des lieux qu’il fréquente au quotidien (marché de Libération, port de Nice etc.)
L’auteur n’hésite pas à insérer dans ses dialogues très dynamiques du nissart, de l’italien ou du russe dans le texte (selon les besoins de l’enquête), ce qui confère à ces pages une grande richesse d’atmosphère lexicale.
Une plume si remarquable qu’on en oublierait presque l’intrigue et la quête effrénée du tueur initial, qui a assassiné un ingénieur sous le chantier du tram à coups de piqûre asphyxiante. Le détective va devoir déployer toute son énergie, sa créativité et son réseau local pour démêler les fils de cet écheveau complexe qui étend ses ramifications de la base au sommet et d’ouest en est.
Notons enfin le caractère très plaisant de la police employée par les éditions Gilletta et qui font de cette édition de poche une très agréable expérience de lecture !
Excellente découverte !