Qui est-L. ?
Comme à mon habitude, je démarre la rédaction de cette critique en confessant ma difficulté à rendre compte sobrement, objectivement, de mon engouement pour une œuvre.
En effet, la proximité que je ressens face à ce récit, à ses questionnements, autant que la ressemblance entre l’écrivain/la narratrice et moi-même sont vraiment époustouflantes et m’ont énormément troublée, parlé, remuée.
Je commencerais par dire que j’ai trouvé ce livre d’une brillance, d’une originalité et d’une dextérité dans la construction totalement éblouissantes. J’avais déjà énormément aimé « Rien ne s’oppose à la nuit », cette confession familiale bouleversante – d’ailleurs maintes fois mentionnée dans ce nouveau « roman ». Delphine y évoque en effet longuement les suites que lui a valu la publication de ce livre, les menaces, les déchirements, enfin le fantastique et universel écho rencontré par ce récit pourtant si personnel.
Tout le monde sait de quoi parle cette nouvelle production : Delphine est un écrivain qui a rencontré le succès, mais qui se retrouve aujourd’hui face à l’incapacité totale d’écrire la moindre ligne. Cette découverte de la page blanche coïncide avec l’arrivée dans sa vie de L., un personnage fascinant et énigmatique qui lui voue une admiration sans bornes et va bien vite prendre une large place dans sa vie.
Je ne voudrais pas déflorer l’intrigue, ses rebondissements, ses méandres et ses richesses, je me contenterai donc, comme Cyrano, de jeter, en touffe, sans les mettre en bouquet, les éléments et les questions qui ont suscité mon admiration :
- Ecriture de la folie ou folie de l’écriture ?
- Incursion du réel dans la fiction, et vice versa : quelle matière nourrit le mieux le récit ?
- La séduction ne serait-elle qu’une affaire d’écoute, de présence absolue à l’autre et d’empathie ?
- Que deviennent, en nous, les livres que nous avons lus et aimés ?
- L’émotion suscitée par l’évocation des lectures que l’on fait à ses enfants
- Parallèle brillant avec Misery de King et Usual Suspects
- La découverte, en filigrane, d’une belle histoire d’amour avec un certain François, dont nous apprenons les petites manies, la passion dévorante pour les livres (mon regard sur lui a changé depuis que j’ai refermé ce livre)
- Qui dit « je » en nous ?
- La chaleur qui se dégage de la description de ses amitiés et qui rend cette Delphine si attachante et émouvante
- Cette femme si émotive, maladroite, malhabile, peu sûre d’elle, dont les objets lui échappent des mains, qui se cogne, trébuche et dégringole, qui a toujours le sentiment que quelque chose chez elle est imparfait, dépasse, et qui se retrouve fascinée par ceux qui lui évoquent l’absence de défauts visibles : ça, c’est vraiment moi (aussi) – en témoigne la tache de café qui orne la tranche de mon exemplaire …
Une réflexion sur l’écriture, sur la créativité, sur les inventions du réel et les vérités de la fiction d’une profondeur et d’une intelligence rares : un livre absolument magistral.