La lumière, l’encre et l’usure du mobilier (2023) – Emmanuel Venet

Les miscellannées du Dr Venet

J’attendais avec impatience (trop, peut-être) ce volume au titre magnifique signé de mon ami Emmanuel Venet, publié cette fois aux éditions Gallimard. Rappelons que je suis une inconditionnelle du romancier-psychiatre lyonnais et que j’ai encensé nombre de ses productions précédentes, surtout celles parues dans de petites maisons.

Mais puisque « sans liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur », je m’en vais donc livrer un bilan assez mitigé de ce dernier-né de papier. Emmanuel Venet s’adonne une fois encore à cette poétique du fragment (que j’apprécie en général beaucoup) sauf que je dois avouer que la plupart des entrées de cet abécédaire m’ont fait baîller (Vialatte, Perec, entre autres). Je n’ai pas retrouvé ce que j’aime tant habituellement chez Emmanuel, cet humour corrosif et plein d’esprit, ces brillantes saillies, cette ironie remarquable qui donne tant de sel à sa prose. Serait-ce le passage dans une grande maison qui arase et bride ainsi la drôlerie ?

Je l’ai trouvé un peu trop académique, un peu trop « universitaire » dans son approche de certains auteurs comme Kafka (que n’a-t-il développé autour des Lettres à Milena ?), de Zweig, de Freud aussi. Partir quasiment toujours de la naissance, de données biographiques est d’une banalité qui ne correspond pas à Emmanuel. Rien n’a vraiment retenu mon attention. Une fois n’est pas coutume, dans quasiment aucun des 26 « chapitres » je n’ai saisi l’intention de l’auteur, si ce n’est la volonté de nous partager des savoirs ou des anecdotes marquantes, de sa vie ou ses lectures. J’émerge de ce livre en ayant déjà quasiment tout oublié.

Tendresse particulière néanmoins pour les souvenirs d’enfance et pour la bigoterie amusante de la mère d’Emmanuel, pour sa fascination (partagée avec une amie) pour les miracles et l’histoire des saints.

« Chez nous, on voulait de l’apparition sérieuse et de la théologie édifiante. »

Aimé aussi les petites confidences entre les lignes de l’auteur sur l’écriture, son métier, le travail et ses lointaines racines… Été ravie de découvrir son amour de Glenn Gould, Dostoïevski et Quignard (que je partage aussi). Me rappeler de découvrir Jacques Chauviré, aussi.

À un moment donné, Emmanuel explique qu’il a choisi la psychiatrie car

« J’éprouvais de la curiosité pour les grains de folie. »

Malgré une belle plume indéniable, sans doute est-ce cela qui aura manqué à cet ouvrage pour me séduire pleinement.

 

 

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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