Le jardin (2016) – Hye-young Pyun

Encor(éen) matin

Pauvre Ogui! Non seulement sa femme vient de mourir dans un accident de voiture, mais il est paralysé et défiguré. Sa vieille belle-mère est plus que jamais la seule famille qu’il lui reste. Il se retrouve bientôt avec elle pour geôlière dans la maison désormais vide. A la merci de cette femme mystérieuse qu’on subodore animée de ténébreux desseins mais qui donne le change sous couvert de jouer les infirmières dévouées.

La réussite de ce thriller psychologique, c’est avant tout l’atmosphère déconcertante, ambiguë, étrange que parvient à instiller Hye-young Pyun, une autrice coréenne renommée. Contraint à ne plus bouger, dépendant entièrement du bon vouloir d’autrui, Ogui est impuissant et le récit, raconté à la troisième personne par un narrateur omniscient, nous plonge sous son crâne.

Réminiscences de sa vie conjugale pas si idyllique, peur diffuse de sa belle-mère, impression d’une menace latente.. Le roman balade le lecteur assez habilement, tout en le laissant in fine un peu sur sa faim. J’ai aimé la manière dont le personnage se rappelle sa défunte femme et tente de la comprendre (et qui illustre bien à quel point l’Autre nous demeure à jamais une terre étrangère).

Le récit en dit long aussi sur la psyché extrême orientale assez particulière, sur la perception de la famille, son fonctionnement parfois bizarre. L’histoire parie sur les non-dits et laisse (sans doute trop) champ libre à l’interprétation du lecteur. Sans m’attacher vraiment aux personnages, j’ai ressenti de l’empathie pour Ogui pris au piège, sur son affreuse routine et cette séance d’humiliation devant témoins (qui vaut toutes les tortures, finalement).

L’autrice semble vouloir insister sur la déshumanisation subie du personnage, son isolement absolu. Le titre international original était The Hole, soit le trou, l’abîme, le gouffre. L’avoir traduit par Le jardin est trompeur, car laisse planer une tonalité bucolique qui n’a rien à voir avec le contenu. Le choix de la belle-mère de creuser ce trou pour y faire un étang dans le jardin reste la clef de voûte du thriller mais il est trop vite abordé, et la fin m’a énormément déçue.

Dommage, car ce roman avait du potentiel, pas assez exploité à mon sens. La quatrième de couverture compare Le jardin à Misery de Stephen King.. Si vous vous attendez à ce qu’il rivalise, vous pouvez toujours attendre. Pour résumer (les vrais comprendront) : c’était bien, mais pas top.

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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