Une rose seule (2020) – Muriel Barbery

A l’eau d’rose

« Une rose seule » a les défauts de ses qualités : d’une grande délicatesse, comme trempée dans la mystique ancestrale même du Japon, ce roman flirte avec une certaine préciosité qui m’a quelque peu agacée. On sent que Muriel Barbery veut « bien écrire », faire de jolies phrases poétiques qu’elle désire reflets de la psyché et de la sensibilité extrême-orientales, mais sa prose manque vraiment de naturel et d’authenticité.

Ce roman raconte l’histoire de Rose, une quadragénaire célibataire et malheureuse qui atterrit un beau jour à Kyoto pour prendre connaissance du testament de feu son père nippon qu’elle n’a jamais connu. Ce dernier fut un fin marchand d’art, et un millionnaire pour qui l’argent n’était qu’un détail (quelle chance). L’homme avait prévu tout un itinéraire pour sa fille entre temples et bistrots authentiques.

Pour mener à bien ce pèlerinage sur les terres paternelles, Rose (décrite comme rousse aux yeux clairs, extrêmement crédible avec un père japonais ! ) a à sa disposition un chauffeur formidablement disponible et Paul, l’ancien assistant de son père, un beau veuf ténébreux (scénario pas du tout cousu de fil blanc). J’ai eu beaucoup de mal à m’attacher à Rose qui est aigrie et désagréable au possible, du moins les trois quarts du livre. Alors d’accord, c’est un livre initiatique, d’apprentissage à l’éclosion intérieure, par le truchement des fleurs, d’un érable, des temples et leurs jardins zen, mais j’ai trouvé le procédé un peu facile (et le temps long).

On se demande ce que va faire ce Paul avec cette « emmerdeuse ». J’ai trouvé les descriptions de Muriel Barbery assez belles même si tout est sous sa plume un peu trop beau et trop onirique pour être vrai. Cette perception par trop raffinée de la réalité, hors-sol, ne m’a pas séduite. Cette prose manque cruellement de simplicité, de sincérité, même les dialogues sonnent faux. Alors bien sûr, il y a quelques jolies trouvailles et les inserts de brefs contes et légendes (comme celui qui ouvre le texte) m’ont beaucoup plu.

Mais n’est pas Marguerite Yourcenar des « Nouvelles Orientales » qui veut et Muriel Barbery s’écoute un peu trop écrire à mon goût. Dommage, car le fond philosophique et spirituel sur la mutation de toutes choses était prometteur… (Rose n’est même pas heureuse de découvrir que son père lui lègue la totalité de son patrimoine.. Si l’argent ne fait pas le bonheur, rendez-le, comme disait Desproges)

Bref, une lecture qui me laisse une impression très mitigée… Au suivant !

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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