Le coût de la vie (2018) – Deborah Levy

Un cabanon à soi

Déployer des idées à travées toutes les dimensions du temps est la grande aventure d’une vie passée à écrire.

Dans ce bref texte inclassable, qui hésite entre le journal de bord et l’essai, Deborah Levy tente de penser, par le truchement de ses choix de vie, les conditions de l’émancipation féminine. Mère de famille dont le mariage a fait naufrage, la narratrice se retrouve avec ses (grandes) filles à devoir assumer seule la tenue du foyer à 50 ans. Armée de son courage et de sa détermination, Deborah va (tenter de) gagner sa liberté à la sueur de son front (elle se déplace dans Londres en vélo électrique) et à la force du poignet (une amie lui propose « a room of one’s own » à la Woolf, un petit cabanon où Deborah s’installe pour écrire sur son ordinateur – j’ai adoré ces moments de repli créatif hors du monde).

Mais « Le coût de la vie » n’est pas qu’une réflexion sur la « vie matérielle » (Duras et son œuvre reviennent plusieurs fois dans le texte), c’est un texte qui parle de création littéraire, des menus plaisirs des jours, des amitiés naissantes, du deuil (de la mère), de la fin de l’amour et des enfants. C’est une sorte de radiographie sensible et sobre (l’écriture est très blanche) de la vie d’une femme de 50 ans, qui se livre par touches avec pudeur et délicatesse.

Comme quoi, on peut rafler les honneurs littéraires avec un « simple » journal, quelques percutantes remarques et un regard intelligent sur le monde. Un texte qui est aussi une invitation à s’inventer (ou se réinventer) en tant que femme car il semblerait bien que nous puissions tout. Un livre qui m’a rappelé une phrase que j’aime :

There’s a secret in our birth, its that women are strong.

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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