Vernon Subutex (II) (2015) – Virginie Despentes

Oui & Non

Je me souviens avoir entendu une critique à la radio dire que ce second tome est avant tout l’œuvre d’un auteur qui a de la mémoire.

Et en effet, Virginie Despentes, enfant des années 70, n’en manque pas : ce bouquin est truffé de références au rock, aux années 80 et 90, aux punks, aux anarchistes, aux idéaux de l’époque, aux idéologies déçues et à tous ceux qui ont appartenu de près ou de loin aux mouvances contestataires situées à la marge de la société d’alors.

On y retrouve Vernon Subutex et sa bande d’ex-potes d’il y 20 ans. On a quitté Subutex à la fin du tome 1 à la rue : dans ce tome 2, il y est encore, on ne sait pas depuis combien de temps – et cette ellipse temporelle est intéressante, d’ailleurs. Enfin, il est resté suffisamment longtemps sous les ponts pour que ses amis aient du mal à le reconnaître lors des retrouvailles. Et c’est sans doute là l’un des passages les plus marquants du livre : l’hébétude de ce personnage marginal qu’on force à renouer avec l’hygiène, les murs d’un appartement, la dignité conforme à la vie en société – mais qui n’y parvient pas du tout.

Désormais abrité sous une tente, sous un arbre des Buttes-Chaumont, Subutex voit défiler ses « amis » et leurs galères respectives, avec pour fil rouge le fameux enregistrement de Bleach et ses révélations explosives aux conséquences potentiellement dramatiques. Une galerie de personnages dans laquelle le lecteur peut facilement s’égarer et qui finalement perd de sa force en éparpillant ainsi les voix.

Toutefois, l’intérêt de ce livre, pour moi, ne réside pas tant dans l’intrigue elle-même, mais plutôt dans le regard que porte Virginie Despentes sur notre société et la façon qu’elle a de traduire ce qu’elle pense, dans une langue dont la grossièreté a commencé par m’amuser, pour finir par me dégoûter. Trop de « cul/chatte/bite » à mon goût – à tel point que j’ai arrêté ce bouquin une cinquantaine de pages avant la fin. Je sais qu’on m’avancera que là réside la modernité de cette langue si orale, mais tout de même : j’attends de m’élever un peu plus dans un bouquin.

Considérations féministes, réflexions sur les relations homme/femme, le corps, les drogues, le sexe, l’invasion des réseaux sociaux.. Nous sommes bien dans un livre de 2015, une plongée quasi-documentaire dans les vicissitudes de notre temps – entre empathie et inquiétude – qui me laisse un sentiment mitigé.

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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