Adam Haberberg (2003) – Yasmina Reza

Homme qui ne sait pas être aimé

Il est des écrivains dont on pressent que jamais ils ne pourront vous décevoir.

Yasmina Reza fait partie de ceux-là. Immense écrivain, elle parvient, en quelques mots, en quelques échanges entre ses personnages à installer la réflexion, l’humour, le pathétique et l’émouvant. Rare cohabitation de sentiments et d’émotions ! Cet ouvrage ne déroge pas à la règle : Adam Haberberg est à la fois un pauvre type et un surdoué paumé et hypersensible, qui vit l’existence comme une meurtrissure.. Cet ouvrage, c’est un peu le « Spleen » version XXIème siècle. Ébouriffant d’intelligence ! Adam Haberberg est assis au Jardin des Plantes à ruminer sa vie devant l’enclos aux autruches. Il vient de voir son ophtalmo pour un œdème à l’œil dont il craint le pire (thrombose, glaucome, perte de la vue), son dernier roman est un fiasco, sa vie conjugale bat de l’aile. Il est donc au plus bas quand sort de la ménagerie Marie-Thérèse Lyoc, qu’il n’a pas vue depuis trente ans. Sa condisciple au lycée, le genre de fille dont on n’a aucun souvenir, ni désir d’en avoir. Et parce qu’il est au plus bas, il accepte son invitation à dîner chez elle à Viry-Châtillon. Expédition absurde : elle à pérorer sur sa vie de représentante en produits dérivés, à lui rappeler un passé qui ne le concerne pas, lui à faire semblant de l’écouter tout en ressassant ses échecs, ses velléités, son impossibilité à assumer ses choix et sa différence. Adam Haberberg ou une journée dans la vie d’un homme. Une parenthèse aussi, prétexte à dérouler toutes les contradictions, ambiguïtés, fragilités, insatisfactions, refus qu’il entretient avec lui-même. Un écrivain qui revendique une exigence, et écrit sous pseudonyme des feuilletons. Un père de famille qui n’assume pas. Un homme qui se voit au bord du gouffre, à quarante-sept ans, bientôt aveugle, et cependant persuadé de sa supériorité. Une brillante tragi-comédie du quotidien sur ces mensonges qu’on se raconte sur soi-même et sur la difficulté d’être, portée par le regard sans concession de Yasmina Reza. 

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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