La nuit ravagée (2025) – Jean-Baptiste Del Amo

Medhi et les maximonstres

Je n’ai pas reconnu l’auteur d' »Une éducation libertine » et du « Fils de l’homme ». Ces romans, qui m’avaient enchantée par leur densité littéraire, leur beauté, leur profondeur et leur singularité n’ont aucune espèce de rapport avec le pensum qu’a cette année commis Jean-Baptiste Del Amo et dont il aurait mieux fait selon moi de s’abstenir.

J’en suis sortie à la fois en colère et attristée, pour différentes raisons. La première étant peut-être l’indigence absolue de cette histoire stupide : une bande d’ados toulousains, une maison hantée, un monde parallèle, des bestioles bizarres. J’ai quasiment tout dit du scénario.

Et ça, sur 450 pages.

Combien de fois ai-je pensé à « Stranger things », en me disant que l’auteur avait pondu un scénario calibré pour Netflix (drames en nombre et homosexualité n’étant pas, en outre, les moindres des arguments !). Et puis quelle lourdeur dans le sous-texte, tout est sur-sur-sur-ligné, stabiloté trois fois, aucune subtilité, on se tape l’exégèse des films d’horreur 80/90, ils sont tous là, tous cités et ça nous enfile de la psychologie de bazar à tous les chapitres, les gamins ne jurant que par « The Thing », « Halloween » et autres Freddy Krueger… Une telle originalité dans le « name dropping » laisse sans voix.

Double peine, l’auteur en remet une couche dans la postface, pour nous réexpliquer en long en large et en travers comment les films d’horreur ont compté pour lui (c’est vrai qu’on n’avait pas compris) et pis que c’est un hommage à Stephen King ce roman et que lui aussi il a souffert, comme dans « La Mouche » de Cronenberg, parce qu’il est gay donc rejeté donc se sentait un monstre…
AU SECOURS !!!

Ça faisait longtemps qu’une lecture n’avait pas été aussi douloureuse pour moi, ne m’avait pas tant aussi outrée et déçue à la fois.

Car non content de nous livrer un scénario digne d’une copie de 4ème sur le thème de l’horreur, Del Amo nous inflige également un sous-texte politique et social complètement hors-sol en 2025, avec un petit Maghrébin adorable et brillant, martyr du collège ; bien sûr ses parents aussi se font « marcher dessus » par ces sales « racistes » de Français, le père est surnommé « Joseph » par son patron (alors qu’il s’appelle Youssef), ce dernier lui demande s’il vient avec sa « smala », vous imaginez un peu le traumatisme.

Le gauchisme est véritablement une maladie mentale.

Il faut aussi que l’auteur en profite pour nous rappeler qu’il y a eu un Algérien tué il y a 30 ans… Et dans l’autre sens, non, Jean-Baptiste ? Ça n’arrive jamais que des Français soient poignardés, violés par des immigrés d’Afrique du nord ? Il faudrait qu’on se parle, vraiment.

Cet angélisme ringard et délirant, qui fait de l’immigré le bouc-émissaire perpétuel, le souffre douleur d’une communauté blanche au racisme quasi systématique, m’a véritablement scandalisée. Avant tout parce que c’est faux : la France ne serait pas ce territoire multi-ethnique depuis des décennies si nous étions de vilains xénophobes. Point barre. Qu’il existe des remarques, des blagues (dont on peut certes juger le goût) et des préjugés – certes, et les Français ne sont pas les seuls à s’y adonner. Je n’ai pas supporté cette haine de la France et des Français qui transpire à chaque ligne de ce roman imbécile qui ne peut que favoriser le rejet de part et d’autre.

Monsieur Del Amo a prouvé avec ce texte gavé d’idéologie qu’il détestait son pays et les gens qui y vivent depuis des siècles, c’est merveilleux. Il aggrave son cas avec le personnage d’une mère qui va rapidement être taxée de conspirationnisme parce qu’elle souhaitait vivre une expérience de vie différente (avec la petite mention de la « puce 5G » qui va bien). On sent vraiment que l’auteur n’a strictement aucune personnalité, c’est fascinant et dur à réaliser quand on pensait l’inverse. Il coche toutes les cases de la pensée dominante, des idéologies mainstream, c’est affligeant.

La bande de gamins est bien décrite mais bien moins subtilement et élégamment que chez Philippe Ridet par exemple, on trouve chez Del Amo les éternels lycéens populaires, les maisons ouvertes à tous les vents, les fêtes, les amourettes etc. Dès que le virage horrifique est franchi, les dialogues deviennent creux et clichés au possible. Insupportable de voir un auteur pourtant si talentueux se vautrer dans une telle médiocrité à la fois romanesque et politique. Le coup de la maison abandonnée, y avait pas moyen de trouver plus original ? Franchement…

Et puis alors, que de tragédies, de violences, d’horreur et de désespoir dans ce livre ! Je ne sais pas si Del Amo pense que toutes les familles de France sont alcooliques, suicidaires, meurtrières ou folles à lier mais alors on ne croise que cela dans ce texte, qui n’est que noirceur, gore gratuit et tristitude de province. Sans parler de la complaisance inutile de l’auteur pour les descriptions abjectes : enfants écrabouillés dans un accident, bête géante qui éviscère un homme en direct avec moult détails… Je n’ai pas saisi le plaisir qu’a pu prendre l’auteur à écrire ça. La vision de la parentalité et des adolescents est extrêmement sombre et désolante, j’espère vraiment que ce n’est pas une perception sincère.

La fin est littéralement grotesque et grand-guignol, j’ai sauté des pages tellement c’était con, on se serait cru dans un film de zombie… Je n’aurais jamais pensé trouver insupportable à ce point un texte de Jean-Baptiste Del Amo. Le pire, c’est peut-être aussi de l’avoir acheté neuf. Il atterrit sur Vinted, chez un futur propriétaire peut-être moins exigeant littérairement (et politiquement).

Regrets infinis de m’être fadé cette nullité.
Un extrait pour la route :

« Peut-être était-il vain de chercher une raison et une origine au mal, peut-être était-il là tout le temps, un abcès incurable dont le pus suintait du cœur de l’humanité. »

Et bonne journée à tous ! 

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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