Rose nuit (2023) – Oscar Coop-Phane

Fatals pétales

Je ne m’étendrai pas trop longuement sur ce texte qui ne mérite pas d’être cloué au pilori même s’il est très mauvais.

« Rose nuit » d’Oscar Coop-Phane (dont le portrait orne la 4ème, signe d’une forme d’hybris décomplexé), c’est 160 pages d’une grande indigence, tant dans le propos que dans la manière dont il est exprimé. La pauvreté stylistique est absolue (sujet + verbe + complément, phrases très courtes et d’une extrême simplicité), l’écriture est blanche, dénuée de tout sentiment, de toute âme, de toute chair. C’est un texte désincarné, qu’on dirait écrit par quelqu’un d’absolument pas concerné par son sujet, qui a répondu à une commande ou senti que le sujet pourrait être vendeur dans la France de 2023 (à tort ou à raison).

Difficile de dire ce qui fait manquer son but à ce texte, dont l’idée de départ est pourtant excellente : croiser les destins de 3 individus, tous liés au commerce international de la rose, en dénoncer les aveugles dérives et le broyage des humains, au service de la terrible machine capitaliste. Hélas, le traitement manque cruellement de sincérité et de singularité.

Nana est une petite Éthiopienne sans horizon ni relief (mais que l’auteur tente à tout crin de rendre profonde, à base de pensées qui l’agitent sourdement.. sans succès) qui va cravacher, munie d’un sécateur, dans une gigantesque serre aux fleurs ; Jan est un Néerlandais qui achète des fleurs dans un marché boursier ; Ali est un vendeur bengladais qui a laissé femme et fils au pays pour récolter 3 sous 50 en tendant des roses aux Parisiens qui n’en ont rien à foutre.

Chacun, cela va sans dire, espère une vie meilleure, mais dieu que c’est mou, dieu que ce n’est pas convaincant, et puis les poncifs de gauche, n’en parlons pas (évidemment Ali, qui ne parle pas un mot de français et qui ne connaît rien à la France, rêve de faire venir sa famille et de voir son fils étudier « à l’école de la République »..), on baîlle à chaque ligne, c’est insupportable. Le Néerlandais se rengorge de son parcours de winner occidental sauf qu’il est désespérément seul, que ses amis se foutent de sa gueule et qu’il s’endort devant Netflix après avoir ingurgité de la bouffe industrielle.
Oscar Coop-Phane réussit le tout de force de rendre pénibles des personnages qui auraient pourtant pu être touchants, attachants. Ce n’est pas donné à tout le monde.

Ce qui devait être, selon Grasset (qui, décidément, édite vraiment n’importe quoi, ce roman m’ayant fait penser à une autre nullité de la maison) « le grand roman de la mondialisation » n’est qu’une rédaction paresseuse, purement descriptive (et parfois prétentieuse) d’un lycéen assez doué qui a respecté les consignes de son sujet. Un travail qui n’amène en revanche rien à la réflexion, ni ne témoigne d’aucune sensibilité authentique : un travail sans âme.

Dans ce roman déjà très court (bâclé, on dirait que l’auteur s’en est « débarrassé ») l’auteur parvient à enfiler des paragraphes artificiels, sans aucun intérêt, comme ces instants où Jan (le personnage le plus pathétique et insupportable) se gare sur le parking du supermarché pour aller acheter une bière et comment il choisit cette dernière et comment il finira par froisser sa canette, ah oui et puis aussi il aime le poisson pané mais est regardant sur la panure… Non mais on est où là ? Qu’est-ce qu’on s’en fout ? Beaucoup trop de séquences qui parlent dans le vide, qui sont là pour faire du volume et du remplissage sans jamais enrichir le thème. Le problème, c’est que ça se voit.

Les seules séquences que je sauverais sont celles d’Ali, même si elles sont plutôt clichées et attendues. Sa femme qui, au Bangladesh, travaille dans une usine de fast fashion à coudre des centaines de milliers de tee-shirt et cette réflexion, anodine mais pas idiote, de l’auteur :

Ils ne sont quand même pas si nombreux à porter la même chose ?

Hélas si. Ils sont aussi très (trop) nombreux à écrire la même soupe, gratte-papier médiocres qui se croient écrivains parce que l’époque, médiocre elle aussi, les publie et les récompense.

Des pensées toutes plates, comme ça, Jan en a pas mal sous le coude.

Voilà une formule qui pourrait résumer ce roman vide et creux, au style et au propos aussi inodores que ces roses voyageant par containers du bout du monde. Dommage.

Qui suis-je ? Voilà une question difficile à répondre.



Je suis une femme, une mère, une Française, une fille, une amoureuse, une attachée de presse freelance et aussi (et peut-être surtout) : je suis une lectrice. Les livres ont fait bien plus que m’accompagner, me tenir compagnie, bien plus que me sauver du désespoir. Ils m’ont façonnée, ils ont sculpté ma sensibilité, mon âme, ma culture. Ils m’ont faite telle que je suis, je suis le résultat vivant de mes lectures. Ils m’ont tout appris de la vie, de l’amour, des cahots du destin, du courage qu’il faut pour exister. Je pourrais vivre sans écrire, mais je ne pourrais pas vivre sans lire, j’appellerais ça vivre à moitié.

A l’époque difficile, tendance totalitaire, qui est la nôtre, les pages sont plus que jamais indispensables. En 1920 déjà, l’écrivain André Suarès prophétisait que le livre serait « le dernier refuge de l’homme libre » : une affirmation plus que jamais d’actualité.

Et que je compte bien défendre.

Anaïs Lefaucheux
Critique & conseillère littéraire

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